Enfant, j’adorais danser. Je rêvais d’être danseuse ! Aujourd’hui, je suis fière d’être une paysanne ! J’aime faire partie de ce groupe d’êtres humains qui plantent des graines, en prennent soin et qui, une fois germées, les récoltent pour eux-mêmes, leurs familles et leurs petites communautés. En 2018, j’ai décidé d’en faire mon métier : produire des plantes médicinales et aromatiques pour confectionner des tisanes. En 2018, Terra Sacrada, « Terre sacrée » en langue occitane est née.
Le chemin a été sinueux et chaque pas une richesse. Aujourd’hui, je suis heureuse de partager avec vous les origines de ce projet de vie et de création.
Envie d’une nouvelle vie
A l’âge de quarante ans, je vivais chez moi en Italie et j’ai vécu une terrible crise existentielle. Je n’étais pas heureuse et je me demandais pourquoi. Je ne pouvais même plus ni dormir ni manger. J’avais perdu ma joie intérieure. C’était insupportable ! Je me suis alors posée trois questions : « Qui suis-je ? D’où je viens ? Où je vais ? » et me suis mise en mouvement. J’ai décidé d’aller sur le chemin de Saint François d’Assise[1] en Italie pour marcher et comprendre ce qui se passait. Puis, j’ai quitté l’Italie, la terre de ma naissance, ma vie et mon travail.
C’est en compagnie de ce saint, connu pour dire que Dieu est dans la Nature, que j’ai compris qu’elle était la première condition à mon bonheur. Au fil des jours de marche, j’ai trouvé les réponses à mes questions. Le rêve d’un espace naturel est né ; ma vision s’est peu à peu clarifiée. J’ai aussi réalisé que j’avais besoin d’être plus à l’écoute de moi-même, de mon corps et de faire confiance en mon intuition. Je sentais qu’il était temps de choisir ma voie personnelle d’accomplissement, qui passait aussi par l’exercice d’un métier qui avait du sens pour moi. Plus tard, j’ai compris que l’essentiel est de contacter la nature profonde de notre Etre : se connaître avant tout, s’aimer et avoir la force de réaliser ce qui nous tient le plus à cœur.
De 2008 à 2015, je me suis arrêtée dans les montagnes suisses pour être cuisinière dans un petit hôtel restaurant biologique et végétarien. Il y avait vingt-cinq chambres et un jardin avec des plantes aromatiques et médicinales., avec lesquelles j’ai commencé à expérimenter et confectionner des tisanes et des recettes de cuisine de plantes comestibles. C’est aussi là-bas que j’ai rencontré Gil en 2013, mon compagnon d’aujourd’hui, déjà berger.
L’appel de la simplicité
Lorsque Gil a hérité de la grange en 1999 de sa tante dans la vallée pyrénéenne du Bergons, il m’a proposée de venir m’y installer avec lui. Mon rêve d’espace naturel devenait de plus en plus réel. Ce que j’avais ressenti au plus profond de moi avec foi et conviction se manifestait concrètement.
Pour Gil et moi, le bonheur et la simplicité étaient étroitement liés. Nous avions envie d’expérimenter une vie simple, en lien avec la nature et au plus près de nous-mêmes. Touchés et inspirés par le livre de Pierre Rabhi sur la sobriété heureuse[2], nous avons choisi de renoncer au confort. Nous avions envie de nous débarrasser des futilités de la vie moderne. Nous avions surtout envie de commencer quelque chose de nouveau !
Puis, chemin faisant, notre projet de vie a évolué et s’est transformé. Nous tentons de trouver un juste équilibre pour rester en lien avec le monde qui nous entoure. Même si nous vivons dans un espace naturel sauvage en pleine vallée du Bergons, nous apprenons à adapter notre mode de vie à notre activité de production et de vente. Par exemple, au début de notre installation, nous n’avions pas d’électricité et vivions à la bougie. Notre volonté d’être autonomes en production nous a amenés à construire un séchoir, qui nécessite de l’électricité pour faire fonctionner le ventilateur et le déshumidificateur.
Une démarche intérieure, profonde et reliée
Faire des mélanges à boire avec les plantes a toujours été un plaisir pour moi. J’aime découvrir et goûter de nouvelles saveurs et sentir le bien-être dans mon corps. Au fil du temps est née l’envie d’apprendre et de transmettre ce plaisir à d’autres. J’ai donc décidé d’en faire mon métier.
Pour réaliser ce projet, j’avais besoin de me former. Je me suis informée sur ce qui existait et on m’a proposée de suivre une formation pour m’aider à créer mon projet. Au début, je n’étais pas motivée pour la suivre. J’ai finalement accepté car je devais apprendre comment faire de mon idée une activité dont je pourrais vivre. J’ai très vite compris que la démarche proposée partant de la création du business plan, l’enquête sur les besoins clients était en contradiction avec ma vision. Ma logique était plus proche de l’expérimentation. A savoir : partir de ce qui me plaît, m’enrichit et me réjouit et en tirer des leçons pour développer mon projet. La logique de plaisir et de partage était, à mon sens, plus importante que la logique de rentabilité que me proposait cet accompagnement. De plus, ayant très peu de charges, nous pouvions nous permettre de gagner très peu d’argent pour vivre. Ma vision était finalement réaliste.
J’ai cherché une formation qui pourrait être en cohérence avec ma vision, mes valeurs et qui m’aiderait à concrétiser mon projet. Un couple aveyronnais[3], cultivant les plantes depuis une vingtaine d’années, proposait une formation synthétique pour s’installer comme productrice de plantes aromatiques et médicinales. J’ai ainsi approfondi mes connaissances dans ce qui fait le cœur de mon métier : culture, séchage, conditionnement. J’ai également réfléchi sur le statut à choisir pour m’installer, les tarifs de vente etc…. Pour mettre en œuvre sur le terrain, nous avons également commandé des graines et des plantes au Conservatoire National des Plantes Médicinales de Milli La Forêt. Aujourd’hui, nous récoltons une cinquantaine de plantes médicinales et aromatiques. Certaines sont annuelles et se ressèment toutes seules ; d’autres nous donnent des graines que nous utilisons pour faire des semis. Les plus classiques sont : la sauge, le romarin, le thym, le thym citron, la sarriette, l’origan, les pensées sauvages, l’ortie. D’autres viennent d’ailleurs : l’estragon du Mexique, l’Agastache, la Dragoncéphale de Moldavie, le Tulsi ou basilic sacré d’Inde, le Shizo pourpre et le Shizo vert et encore bien d’autres.
Enfin, j’ai ressenti le besoin de suivre une formation spécifique pour approfondir mes connaissances sur les vertus des plantes, leurs associations pour notre bien-être et notre santé. C’était important pour ma future légitimité, car la législation est très stricte en matière de santé et de prescriptions thérapeutiques. L’idée essentielle est d’apporter du plaisir à boire une tisane avec un goût réconfortant. Par exemple, pour confectionner une tisane à vertu digestive, je vais utiliser l’Agastache, le romarin et la menthe poivrée, mais je vais également pouvoir remplacer la menthe poivrée par la menthe douce. Connaître les vertus des plantes est important, mais l’intuition et l’inspiration comptent aussi beaucoup pour proposer des mélanges créatifs, voire même sur-mesure.
J’aime ajouter cette touche de créativité, qui révèle la subtilité des mélanges de Terra Sacrada, tout comme j’aime ajouter la touche de couleurs sur les étiquettes au dernier moment de la confection des sachets de tisanes.
Propos recueillis par Sophie Quérin, mai 2022.
[1] Saint-François d’Assise est un religieux catholique chrétien, né à Assise en Italie. Il est associé à la cause des animaux et est reconnu patron des écologistes et ami des pauvres. [2] RABHI Pierre, La sobriété heureuse [3] Inscrit au syndicat des S.I.M.P.L.E.S : Syndicat Inter-Massifs pour la Production et L’Économie des Simples. Créé en 1982 sous l’impulsion d’un groupe de productrices et producteurs installés dans des secteurs de montagnes désertifiés, le syndicat regroupe aujourd’hui plus de 180 productrices et producteurs réparti-e-s dans les différences massifs montagneux français mais aussi en plaine, dans des îlots préservés. En savoir plus : https://www.syndicat-simples.org/
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